Annamaria Colombo (2024)
Résumé
Cet article se veut une contribution au débat sur le travail social comme discipline scientifique, sur la base d’un aperçu critique des débats francophones actuels. À partir des cas de la France, du Québec et de la Suisse romande, il montre qu’il est nécessaire de situer ces débats dans leurs contextes historiques et institutionnels respectifs, mais aussi qu’il est aussi possible d’identifier des logiques transversales au-delà des enjeux locaux. Il se termine sur des ouvertures invitant à développer une réflexion commune, au-delà des antagonismes et des particularités locales (sans pour autant les nier).
Mots-clés : Travail social, discipline scientifique, interdisciplinarité, justice sociale, Suisse.
Is social work an academic discipline? A contribution to the debate based on French-language literature
Summary
This article is intended as a contribution to the debate on social work as a scientific discipline, based on a critical overview of current French-speaking debates. Drawing on the cases of France, Quebec, and French-speaking Switzerland, it shows that it is necessary to situate these debates in their respective historical and institutional contexts, but also that it is possible to identify transversal logics beyond local issues. It concludes with an invitation to develop a common reflection, beyond antagonisms and local particularities (without denying them).
Keywords: Social work, scientific discipline, interdisciplinarity, social justice, Switzerland.
Introduction
En Suisse romande, et plus généralement dans la littérature francophone, la question de la discipline du travail social ne se pose pas tout à fait dans les mêmes termes qu’en Suisse alémanique et dans le monde germanophone. Au-delà de la langue, la formation et la recherche en travail social dans les régions francophone et germanophone de la Suisse se réfèrent à des cultures scientifiques différentes et respectivement peu connues de part et d’autre de la frontière qui les sépare.
C’est dans cette perspective que cet article propose un aperçu des logiques qui traversent les débats francophones actuels autour du travail social en tant que discipline académique autonome. Je reprends l’idée de «discipline autonome» proposée par Sommerfeld (2010) dans le sens d’une discipline porteuse d’un projet qui lui est propre et qui se distingue d’autres disciplines académiques. Sans prétendre à une revue de littérature exhaustive, cet article propose quelques clés de lecture des enjeux épistémologiques, mais aussi institutionnels et politiques, à partir de la littérature académique francophone disponible. Si dans le monde germanophone, «l’époque des méta-débats sur la science du travail social touche à sa fin» comme le soutient Sommerfeld (2010, 19), ce n’est pas le cas dans les milieux académiques francophones, où la reconnaissance du travail social comme discipline autonome est très inégale selon les pays ou les régions. C’est surtout en France et en Suisse romande que le débat a pris de l’ampleur ces dernières années, en lien notamment avec les enjeux liés à l’académisation de la formation et la discussion autour du doctorat en travail social. Néanmoins, comme le constate Tabin (2013, 422) «dans la théorie du travail social dans le monde francophone, aucun courant particulier ne prévaut. Il n’existe pas non plus de programme critique systématiquement structuré, contrairement à ce que l’on peut observer dans le monde anglophone».
Cette contribution est structurée en trois sections. À partir des cas de la France, du Québec et de la Suisse romande, pays ou régions qui ont produit le plus de littérature académique sur le sujet, la première section démontre qu’il est nécessaire de situer ces débats dans leurs contextes historiques et institutionnels respectifs. La deuxième section montre qu’au-delà de ces enjeux locaux, il est possible d’identifier au moins quatre logiques transversales, qui sont autant de réponses à la question «le travail social est-il / devrait-il constituer une discipline académique autonome?». Enfin, la troisième section propose des ouvertures invitant à développer une réflexion commune, au-delà des antagonismes et des particularités locales, sans pour autant les nier.
1 Des conditions de débat indissociables des enjeux locaux
Comme le souligne Sommerfeld (2010), la notion de «science du travail social» (Sozialarbeitswissenschaft) est étroitement liée à la revendication de reconnaissance du travail social comme une «discipline autonome», c’est-à-dire une discipline qui articule des dimensions non seulement professionnelles mais aussi scientifiques qui lui sont propres. Lechaux (2017) montre que ces questions se posaient déjà au début du XXe siècle, essentiellement aux États-Unis, au moment de la fondation du travail social, avec la question de savoir si la recherche scientifique doit être endogène à la profession du travail social ou si elle doit
se faire au sein des disciplines académiques classiques à l’université. À cette époque se posait déjà la question de la participation des travailleuses sociales et travailleurs sociaux à la recherche, que ce soit dans le recueil de données du fait de leur position privilégiée sur le terrain et/ou que ce soit dans la production des théories à proprement parler. Dans l’école de Chicago naissante (Park & Burgess, 1925), elles et ils sont considéré∙e∙s comme partenaires de l’équipe de recherche qui les mobilise comme enquêteurs et enquêtrices dans les «field work». Lors de la 1ère Conférence internationale de service social en 1928, Sarolta de Lukacz défend l’idée d’associer les assistantes de service social comme auxiliaires de recherche (Lechaux, 2017, p. 40). Avec Mary Richmond (1917), les professionnel∙le∙s sont même considéré∙e∙s comme praticien∙ne∙s-chercheur∙e∙s, invité∙e∙s à mener dans le cadre de leur travail une activité d’enquête productrice de connaissances. Or, comme le souligne Lechaux (2017, p. 40), à cette même époque, «ce débat ne concernait visiblement pas la France, où ces questions relevaient de l’impensé – en réalité de l’impensable». Horne et Savoye (1988) identifient plusieurs raisons qui expliquent cette situation, dont l’absence de grandes fondations apportant des financements, mais surtout une institutionnalisation de la sociologie comme discipline universitaire largement marquée par la sociologie durkheimienne, opposée à une sociologie empirique et située. Ce dernier argument est récemment développé par Laville et Salmon (2022), qui appellent à un «travail social indiscipliné» en montrant comment des références majeures de la sociologie française comme Platon, Durkheim, puis ensuite Bachelard ou encore Bourdieu, ont largement influencé le travail social en France et alimentent encore aujourd’hui une dichotomie perçue comme naturelle entre théorie et action, légitimant une position de chercheur∙e «sachant», produisant des connaissances en «surplomb» et justifiant dans la pratique un travail social consistant à «agir sur les publics» plutôt qu’avec eux. Lechaux souligne l’importance de ne pas sous-estimer en outre la prédominance dans le contexte français en particulier d’un «rapport genré au savoir et à l’université qui condamnait [au début du XXe siècle] les assistantes de service social à la sphère de l’action opérationnelle» (Lechaux 2017, 40). Ce rapide rappel des débuts du travail social montre que les conditions de possibilité du débat sur les liens entre recherche scientifique et travail social sont indissociables des rapports sociaux (de genre et de classe) et politiques propres aux différentes histoires locales et à la façon dont les institutions du travail social se sont développées dans les différentes régions du monde.
Alors que la question de la recherche scientifique en travail social a longtemps été un «impensable» en France, pour reprendre les termes de Lechaux, elle fait l’objet depuis la fin des années 1990 et surtout le début des années 2000 d’un débat nourri, porté par les défenseuses et défenseurs, toujours
plus nombreux, d’une reconnaissance du travail social comme discipline universitaire et comme champ de recherche. C’est dans ce contexte que s’est créée l’Association française pour le développement de la recherche en travail social (AFFUTS), qui a organisé plusieurs cycles de séminaires, donnant lieu à diverses publications collectives (AFFUTS, 2013, 2018), qui visent à «proposer une définition partagée de la recherche en travail social (RETS) […], en vue de promouvoir la légitimité d’un champ de pratiques sociales et professionnelles comme un champ de recherche» (AFFUTS, 2018, p. 88). Ce mouvement a donné lieu notamment à la création en 2001 d’une Chaire de Travail social au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) de Paris, une institution universitaire par ailleurs plus proche des grandes écoles que des universités. Deux doctorats avec mention travail social ont été créés au CNAM, en sociologie ainsi qu’en sciences de l’éducation, sous l’impulsion de professeurs comme Marcel Jaeger (2018) et Emmanuel Jovelin (2021), qui ont contribué à porter ce débat au sein des milieux académiques. Jovelin (2018) déplore toutefois une absence de vision au niveau des politiques nationales, avec une dynamique de la formation qui reste concentrée sur la formation professionnelle. En effet, les formations en travail social sont encore aujourd’hui assurées (en majorité) hors université, par des établissements gérés par des associations qui sont sous la tutelle principale du Ministère des Affaires sociales. Plusieurs de ces établissements ont inscrit depuis une dizaine d’années la recherche dans leurs missions. Or, les résistances à la reconnaissance du travail social comme discipline universitaire et comme champ de recherche restent importantes. D’une part, il existe, surtout au sein des milieux professionnels, des craintes d’une «académisation» du travail social qui deviendrait trop théorique et s’éloignerait des réalités du terrain et des bénéficiaires du travail social, qui viendrait exacerber une tendance, déjà encouragée par le contexte néolibéral, à agir «sur les publics» plutôt qu’«avec les publics» (Laville & Salmon, 2022). D’autre part, la reconnaissance du travail social comme discipline universitaire ne fait pas l’unanimité dans les milieux académiques, opposant les tenants d’une recherche en travail social à celles et ceux qui défendent plutôt une recherche sur ou pour le travail social (Rullac, 2012; Jaeger, 2014). En effet, plusieurs chercheur∙e∙s universitaires en sciences sociales défendent une position selon laquelle le travail social doit rester une profession axée sur l’action, et que si un regard scientifique sur l’action est bien nécessaire, il peut, voire doit, se faire par le biais de recherches menées au sein de disciplines universitaires existantes, notamment la sociologie, qui produisent des connaissances sur et pour le travail social (Boucher, 2020; Alix & Autès, 2023).
En Belgique francophone par contre, ce débat entre recherche et travail social n’est pas du tout à l’ordre du jour (Gaspar & Foucart, 2012; Glarner, 2018).
Cette question est pratiquement absente des milieux professionnels et lorsqu’elle est abordée, rarement, dans les milieux académiques et scientifiques, elle est le plus souvent présentée comme une importation de querelles de chapelles entre quelques chercheur∙e∙s français∙e·s. Il existe un consensus autour du fait que les formations existantes en travail social (de niveau universitaire: Baccalauréat Assistant·e social·e et Master en Ingénierie et action sociales) sont suffisantes et en accord avec la nature du travail social. Dès lors, la revendication d’une disciplinarisation du travail social, voire de la création d’un doctorat, semblent inutiles. Peu d’attention est portée à ce débat comparativement à d’autres enjeux qui apparaissent plus essentiels, comme notamment les pressions gestionnaires croissantes sur les services sociaux et les instances de formation.
Alors qu’il n’existe ni en France, ni en Belgique, un doctorat en travail social francophone existe au Liban. Tannous Jomaa (2018) analyse que les crises sociales, sanitaires et politiques traversées par ce pays ont pu jouer un rôle d’accélérateur, faisant émerger une volonté très forte d’anticiper de futurs défis sociaux et un besoin de connaissances scientifiques sur lesquelles s’appuyer pour ce faire.
La situation du Québec est très différente, puisqu’un programme structuré de formation en travail social existe depuis 1939 (Jovelin, 2018). Sa situation géographique en Amérique du Nord et la majorité anglophone du pays ne sont certainement pas étrangères à cette situation, malgré une référence importante des milieux universitaires québécois à l’Europe et à la France en particulier, pour des raisons historiques et linguistiques notamment. On trouve aujourd’hui au Québec huit départements universitaires de travail social. La plupart propose des formations de niveau bachelor et master, et trois d’entre eux proposent un doctorat en travail social (Couturier & Turcotte, 2014). La formation est largement encadrée et soutenue par l’Association canadienne pour la formation en travail social (ACFTS) qui coordonne l’Ordre des travailleurs sociaux et travailleuses sociales du Québec (Couturier & Turcotte, 2014). Même si des voix critiques voient dans la revendication de reconnaissance disciplinaire des risques de dérives, il est largement admis que la formation académique doit s’appuyer sur une forte articulation avec le statut professionnel, la structuration organisationnelle des activités professionnelles et la production de connaissances par la recherche (Couturier & Turcotte, 2014). Dans ce contexte, le débat porte surtout sur les caractéristiques et la nature de la science du travail social.
En Suisse, la formation en travail social se structure sur le plan «vertical» sur trois niveaux: apprentissage d’assistant socio-éducatif (secondaire II), écoles supérieures (tertiaire non-universitaire) et tertiaire universitaire
(bachelor et master, voire doctorat) (Bolzman & Coquoz, 2018).
Ces formations de niveau tertiaire sont principalement données par les Hautes écoles spécialisées (HES), mais il existe aussi des formations proposées par des université, comme l’Université de Fribourg (Chaire de Travail social et politiques sociales), l’Université de Neuchâtel (Institut transdisciplinaire en travail social) ou encore l’Université de Zurich (Sozialpedagogik). Sur le plan «horizontal» (Grand & Renevey, 2019), trois profils spécifiques sont enseignés dans les HES au niveau bachelor: l’éducation sociale, le service social et l’animation socio-culturelle. Cette structuration est le résultat d’une importante réforme de la formation qui a eu lieu entre 1995 et 2005 et qui a conduit à la création à la fin des années 1990 de sept HES, inscrivant la formation en travail social dans le processus de Bologne (Keller, 2017; Grand & Renevey, 2019).
Grand et Renevey (2019, p. 43) montrent que la réforme de la formation en travail social a été notamment possible grâce à une forte implication politique des organisations faîtières et à leur adhésion conjointe à «une logique de structuration de la formation professionnelle déjà acquise dans d’autres secteurs de la formation professionnelle en Suisse». L’un des acteurs majeurs de cette réforme est la SASSA, acronyme alémanique de la Conférence des Hautes écoles spécialisées suisses de travail social, créée en 1948 pour remédier à la trop grande diversité des formations. En tant qu’acteur légitimé sur le plan national, cette faîtière a largement contribué aux réformes apportées à la formation et, partant, à sa reconnaissance sur le plan national et international (Keller, 2019). Ces réformes ne se sont toutefois pas faites sans résistances. De la part de certains milieux professionnels, d’une part, qui exprimaient la crainte d’une concurrence entre professionnel∙le∙s de statuts différents au sein de la profession, ainsi que la peur d’une formation trop «académique» s’éloignant d’une formation professionnalisante. De la part des universités, d’autre part, craignant une concurrence accrue avec l’arrivée des HES dans le champ de la formation universitaire et de la recherche (Bolzman et Coquoz, 2018). En effet, avec ces réformes, à la formation initiale se sont ajoutées aux missions légales des HES, celles de la formation continue et de la recherche, ce qui a largement contribué à l’essor d’une recherche en travail social déjà présente dans les écoles de travail social depuis les années 1970 en Suisse (Keller, 2019). Si les HES ne peuvent toujours pas décerner de doctorat en travail social aujourd’hui, la SASSA s’est prononcée en 2013 déjà en faveur de l’ouverture d’un troisième cycle et plusieurs thèses sont aujourd’hui co-dirigées par des professeur∙e∙s de HES en travail social. À cela s’ajoute la création, en 2006, de la Société suisse de travail social (SSTS), société savante ayant pour but de produire, capitaliser et diffuser les connaissances scientifiques du champ et de favoriser la reconnaissance du travail social en tant que discipline (Keller, 2019). Elle est admise comme
membre de l’Académie suisse des sciences humaines et sociales en mai 2013, ce qui constitue une reconnaissance institutionnelle du travail social en tant que discipline académique. Enfin, depuis la rentrée académique 2022, un Institut Transdisciplinaire en Travail social (ITTS) a été créé à l’Université de Neuchâtel, offrant un programme de doctorat en travail social conjoint entre cette université et le domaine Travail social de la Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO) (Kempter & Descloux, 2022). Selon Libois & Bolzman (2014, p. 238), le travail social en Suisse romande peut être considéré comme en processus de disciplinarisation, le débat politique ayant joué un rôle de moteur incitant les institutions, ainsi que l’ensemble des acteur·ice·s concerné·e·s, à penser les contours de la discipline travail social. Or, malgré ces avancées sur le plan institutionnel, il n’existe pas d’unanimité en Suisse romande sur ce qui constitue la spécificité de la science du travail social (Tabin, 2013), ni sur la reconnaissance du travail social en tant que discipline autonome.
Ce rapide tour d’horizon souligne à quel point il est important de situer le processus de reconnaissance du travail social en tant que discipline académique autonome dans les différents contextes historiques et politiques, qui colorent les formes et conditions de possibilité du débat. C’est une fois ces spécificités locales comprises qu’il est possible de les dépasser pour identifier des logiques transversales.
2 Le travail social: une discipline académique autonome?
Comme on peut le voir, dans le monde francophone, surtout européen, les enjeux politiques sont si importants qu’ils ont parfois tendance à prendre le pas sur la discussion épistémologique de ce qui fait la spécificité de la discipline travail social, autant sur le plan professionnel que scientifique et comment ces deux niveaux s’articulent. Sans prétendre à l’exhaustivité, j’ai identifié quatre logiques transversales prédominantes dans la littérature académique francophone. Tout d’abord, certain∙e·s auteur·e·s estiment que le travail social n’a pas besoin d’être reconnu comme discipline académique autonome (2.1). Pour d’autres, au contraire, cette reconnaissance est indispensable et dans ce cas, ce qui fait sa spécificité est, de manière non-exclusive et complémentaire, pour les un∙e∙s, sa dimension pratique (2.2), pour d’autres, son caractère interdisciplinaire (2.3) ou encore, son inscription dans le paradigme de recherche participative (2.4). Or, prises chacune isolément, ces propositions peinent à convaincre que le travail social constitue une discipline académique autonome. En s’appuyant sur la définition de la discipline criminologique de Pirès (1995), tout en la prolongeant, Maugère (2023) propose quatre concepts permettant de définir le projet disciplinaire spécifique du travail social (2.5).
2.1 Le travail social n’a pas besoin d’être reconnu comme discipline académique autonome
Une première perspective considère que le travail social n’a pas besoin, voire ne devrait pas être reconnu comme discipline autonome. En Belgique francophone, ce sujet n’est pas vraiment discuté, car le travail social est considéré comme une profession avant d’être une discipline scientifique et cela implique que les formations soient professionnalisantes plutôt que centrées sur la recherche (Gaspar & Foucart, 2012; Glarner, 2018; Artois, 2019). En France, on assiste ces dernières années à ce que Alix, Autès et Marlière (2020) qualifient de «guerre froide» entre les tenant·e·s de la recherche sur, voire pour le travail social (surtout des universitaires) et ceux de la recherche en travail social (pour la plupart plus proches des écoles de travail social et des milieux professionnels).
Dans ce contexte, des auteurs comme Boucher (2020) considèrent que la revendication d’une recherche en travail social telle qu’elle est formulée en France relève davantage d’enjeux politiques de pouvoir que d’enjeux épistémologiques de production de connaissances. À ses yeux, la revendication d’une reconnaissance du travail social comme science, qui va de pair avec cette revendication d’une recherche en travail social, pourrait même s’avérer contre-productive, car elle ne peut conduire qu’à une institutionnalisation de la recherche dans ce champ «aux marges de la science», dans un entre-soi hors des procédures scientifiques classiques de confrontation avec les pairs. Cet auteur soutient que «si le travail social peut être un ‹objet d’étude› des sciences humaines et sociales (dans ce cas, il s’agit de faire de la recherche sur le travail social), et les travailleurs sociaux et les personnes qu’ils accompagnent, des partenaires d’une démarche scientifique, notamment dans le cadre de protocoles de recherche-action pouvant être menés par des chercheurs inscrits dans le champ social (dans ce cas, il s’agit de recherche dans le travail social), le travail social ne peut certainement pas incarner une science spécifique» (2020, p. 120).
Chauvière et Gaillard (2020, p. 104) n’excluent pas que le travail social puisse devenir une «discipline d’un genre nouveau, notamment par regroupement de ressources cognitives utiles à un même domaine d’action» comme l’éducation par exemple, mais ils rappellent qu’on ne crée pas une discipline par «simple décret». Néanmoins, «sans être une discipline, mais tout juste un champ de pratiques spécifiques appelant diverses disciplines, le travail social a cependant tout d’une énigme qui mériterait un engagement scientifique beaucoup plus soutenu et surtout plus audacieux» (p. 104). L’intégration académique des métiers des formations et de la recherche en travail social leur semble la plus à même d’offrir une «formation intellectuelle, dans un cadre
interdisciplinaire, si possible à vocation cognitive et universaliste, en vue d’un exercice qualifié des métiers de l’humain» (p. 74), afin d’éviter la dérive gestionnaire d’une formation uniquement orientée vers la préparation au marché de l’emploi.
Ainsi, dire que le travail social n’est pas une discipline autonome n’est pas incompatible avec la reconnaissance de l’intervention sociale comme un champ de recherche, ni avec un enseignement du travail social au niveau académique. Toujours dans le contexte français, si Boucher (2020, p. 128) souligne que le travail social n’est pas une science, «en revanche, il n’y a pas d’inconvénient à ce que le travail social puisse être reconnu comme un espace académique spécifique et pluridisciplinaire enseigné au sein d’écoles supérieures et d’universités». Il estime nécessaire que les écoles de travail social intègrent en leur sein les capacités de production de connaissances en sciences sociales, pour éviter le risque de ne former que des «opérateurs de services» répondant à des logiques «mercantiles et utilitaristes».
Au Québec, Parazelli (2015, p. 36) remet en question la voie de la reconnaissance du travail social comme discipline scientifique, qui risquerait à ses yeux d’affaiblir les pratiques interdisciplinaires au profit d’une disciplinarisation scientifique relevant davantage de luttes politiques que de réflexion scientifique. Il propose de considérer le travail social comme un «champ scientifique d’études interdisciplinaires». Notons que dans le contexte québécois où le travail social est déjà reconnu comme discipline académique, avec l’existence instituée de plusieurs formations bachelor, master et doctorat, la portée politique d’une telle proposition n’est pas la même que dans le contexte français, par exemple.
Comme le résument Alix et Autès (2023), les tenant·e·s d’une telle position ne sont pas opposés à la nécessité d’une reconnaissance des savoirs et des pratiques professionnelles, ni à une formation en travail social qui soit de niveau universitaire et qui s’appuie sur des connaissances scientifiques, mais la revendication d’une reconnaissance du travail social comme discipline scientifique autonome ne leur semble pas être le bon moyen d’y parvenir et cela introduit de la confusion, car on essaie d’atteindre une reconnaissance politique en situant le débat au niveau épistémologique.
Au contraire, la logique de défense du travail social comme discipline autonome repose sur les arguments que les enjeux politiques et épistémologiques sont indissociables et que la reconnaissance du travail social comme discipline académique va de pair avec sa reconnaissance comme discipline scientifique. Se pose alors la question de savoir ce qui fait la spécificité de cette discipline. Trois axes (non-exclusifs) se dégagent de manière prépondérante de la littérature francophone.
2.2 Le travail social est une discipline pratique
Dans cette perspective, la spécificité de la discipline académique travail social est d’être directement et explicitement au service de la profession et de la professionnalisation du travail social, afin de renforcer sa légitimité. Le but de la recherche en travail social est de construire un corpus de connaissances utiles pour la pratique, avec l’idée d’une nécessaire complémentarité des approches théoriques et pratiques qui doivent chacune s’alimenter (Keller, 2016; Mezzena & Vrancken, 2020; Grand, 2021).
Or, si cette idée d’une science du travail social au service de la profession est largement partagée, en particulier au Québec et en Suisse romande, le périmètre du champ concerné par cette science est plus ou moins large selon les auteur∙e∙s. Pour certain∙e∙s, comme par exemple Alary (2009), ce corpus de connaissances se limite à l’élaboration et à la validation de modèles de pratiques d’intervention sociale. Dans une conception un peu plus large, Rullac (2012, qualifie le travail social de «science appliquée à une profession», qui produit des «savoirs d’action» centrés sur le concept de compétences professionnelles (savoir-dire, savoirs d’intervention et savoirs d’évaluation) et de culture professionnelle (identité professionnelle, activité sociocognitive dans le contexte du travail et rôle institutionnel et occupationnel exercé). Keller (2016) propose un modèle multidimensionnel, qui devrait guider la discipline afin de permettre aux professionnel∙le∙s de mieux se situer, et qui repose sur trois dimensions: l’action, les valeurs légitimant l’action et la théorie appliquant les effets de l’action. De Jonckheere (2013) estime que le travail social est une discipline de l’intervention qui doit être appréhendée dans une conception pragmatique de la connaissance, qui vise à dépasser le «découplage de la théorie et de la pratique. Il réclame de considérer la dynamique de la pensée au sein même de l’agir» (De Jonckheere, 2013, p. 29).
Bolzman (2014, p. 375) identifie trois fonctions de la recherche en travail social, qui sont 1) attirer l’attention des professionnel∙le∙s sur des problématiques délaissées par les institutions, 2) élargir l’horizon sur la manière de poser certains problèmes sociaux et 3) rendre attentif aux dilemmes auxquels sont confronté∙e∙s les professionnel∙le∙s qui cherchent à soutenir leurs usagers et usagères de la manière la plus pertinente possible. Pour Kempter & Descloux (2022), cette discipline doit être nourrie par l’ingénierie sociale pour, non seulement supporter les défis du terrain, mais pouvoir les anticiper et se préparer à de futures crises sociales.
Toutefois, si plusieurs auteur∙e∙s s’entendent sur le fait que la dimension «pratique» ou «appliquée» est bien une caractéristique de la science du travail social, des voix critiques estiment qu’elle n’est en soi pas suffisante
pour permettre au travail de se revendiquer comme une discipline distincte d’autres disciplines professionnelles, ni comme une science. Selon Parazelli (2015, p. 27), par exemple, «la dénomination discipline pratique semble plutôt être utilisée comme synonyme de la profession elle-même et de ce fait, ne nous éclaire pas sur le statut du travail social universitaire». On peut encore citer De Jonckheere (2013), qui conteste le fait que la spécificité de la recherche en travail social soit son caractère appliqué et qui se positionne en faveur d’un champ théorique du travail social élargi qui ne se concentre pas uniquement sur le service à la pratique.
2.3 Le travail social est une science interdisciplinaire
Plusieurs auteur∙e∙s (AFFUTS, 2018; Bolzman, 2014; Jovelin, 2018) s’accordent pour dire que l’une des caractéristiques principales et distinctives du travail social est son caractère interdisciplinaire. Dans le contexte français, Jovelin (2013) voit notamment dans cette approche interdisciplinaire une opportunité pour dépasser l’opposition théorie-pratique.
Couturier & Turcotte (2014) affirment que c’est précisément son caractère interdisciplinaire qui en fait une discipline autonome distincte des disciplines classiques des sciences sociales. À leurs yeux, le travail social est une «discipline interdisciplinaire» sur trois plans: de par son histoire, puisque «le travail social est né dans un contexte appliqué et situé, au croisement de plusieurs professions et disciplines», de par son caractère appliqué et situé qui «appelle une formation généraliste qui puise dans une grande diversité de disciplines» et enfin, parce qu’il «requiert une capacité d’intermédiation qui en fait une forme réalisée d’interdisciplinarité». Ce qui fonde le travail social comme discipline autonome est que les savoirs d’autres disciplines sont «redisciplinés dans l’espace sémantique du travail social, et employés pragmatiquement sur le terrain dans une perspective éclectique et généraliste» (Couturier & Turcotte, 2014, p. 150). Pour ces auteurs, reconnaître le travail social comme une discipline académique autonome permet de renforcer son identité interdisciplinaire: «Pour qu’il y ait interdisciplinarité, c’est-à-dire co-transformation du regard de l’un pour l’autre, il doit y avoir identité […]. C’est donc l’identité en tant que singularité qui permet à un rapport interdisciplinaire de se constituer autour de préoccupations communes» (Couturier & Turcotte, 2014, p. 152). Le doctorat en travail social permet la création d’un «espace de disciplinarisation du travail social» qui est, du point de vue des auteurs, «une puissante condition permettant l’intégration des savoirs de l’espace pluridisciplinaire additif […] dans le projet interdisciplinaire du travail social, projet repérable empiriquement dans la compétence intermédiatrice des travailleuses sociales» (Couturier & Turcotte, 2014, p. 151).
Pour Parazelli (2015, p. 36) au contraire, la disciplinarisation risquerait «d’affaiblir les pratiques interdisciplinaires au profit d’une disciplinarisation scientifique du travail social plus préoccupée d’enrôlement et de surveillance de la doxa académique que d’élucidation scientifique». Il propose plutôt de considérer le travail social comme un «champ scientifique d’études interdisciplinaires», qui comporte à ses yeux l’avantage de «stimuler la créativité intellectuelle en proposant une ouverture à tous les horizons théoriques pertinents des sciences humaines et sociales, afin de nous donner la possibilité de décoder les diverses normativités des situations sociales et des pratiques d’intervention sociale».
2.4 Le travail social est une science participative
En France, les signataires du «Manifeste Pour une discipline sciences humaines et sociales – travail social» (Jovelin, 2021, p. 180) estiment que «dans le contexte actuel marqué par une forte demande de participation et de prise en compte des savoirs expérientiels», le travail social sera amené à «clarifier et à affirmer plus nettement aujourd’hui les méthodes d’objectivation qui lui sont propres». Cela suppose à leurs yeux de rompre avec la posture du «savant spectateur» qui invalide la personne accompagnée en tant que sujet connaissant, ainsi qu’avec le dogme selon lequel la vérité précède l’expérience.
En France comme ailleurs, les recherches dites participatives, collaboratives ou partenariales ont pris de l’ampleur ces dernières années, en particulier en travail social. En 2012, Lyet et Paturel (2012) écrivaient déjà que pour dépasser les oppositions entre une recherche dans, en ou sur le travail social, il est nécessaire de développer une nouvelle pratique de la recherche pour qu’elle puisse être réellement au service des acteurs sociaux. Selon ces auteurs, seules une épistémologie et une méthodologie constructivistes, postulant qu’il ne peut y avoir séparation entre le système observant et le système observé, peuvent fonder une recherche qui lie connaissance et action. Il s’agit de reconnaître le travail social comme un «espace d’hybridations» (Lyet, 2017, p. 26). L’AFFUTS (2018) va également dans ce sens et propose différentes formes de recherches participatives: collectif d’acteurs et actrices, recherches collaboratives et coopératives qui incluent de différentes façon les différents parties prenantes.
Heijboer et Rullac (2021, p. 209) sont plus affirmatifs en argumentant que la disciplinarisation du travail social passe inévitablement par son inscription dans le paradigme «participatif». Celui-ci «s’impose aujourd’hui comme incontournable, place les bénéficiaires au centre du savoir du travail, comme le point de jonction du ‹théorique› et la ‹pratique› par le biais de l’usage». Ces auteur∙e∙s soutiennent que la question centrale de la création d’une discipline
du travail social est de déterminer sa «capacité participative» (Heijboer & Rullac, 2021), pour que toutes les personnes concernées, chercheur∙e∙s, professionnel∙le∙s et usagers/usagères puissent contribuer à l’élaboration de «leur savoir». Elle et il réfutent toutefois le terme de «savoirs expérienciels» (Heijboer & Rullac, 2021, p. 216) et plaident pour une reconnaissance de l’«expertise usagère». La reconnaissance des expertises usagères vient s’ajouter et complexifier à leurs yeux les réflexions autour de la rencontre entre science et profession dans le processus de disciplinarisation du travail social.
2.5 Le travail social a un projet disciplinaire spécifique dont il est possible de délimiter les contours
Toutes ces propositions contribuent à définir les spécificités la discipline travail social. Toutefois, lorsqu’on les prend chacune isolément, elles peinent à convaincre que le travail social constitue une discipline académique autonome. Deux raisons principales me semblent expliquer ce constat: d’une part, plusieurs de ces propositions ont tendance à séparer, voire opposer les enjeux politiques et les enjeux épistémologiques associés à la définition d’une discipline. D’autre part, il existe une confusion entre le projet disciplinaire en tant que tel et l’une de ses composantes (son objet ou une approche méthodologique, par exemple).
Or, premièrement, comme je l’ai montré dans la première section, les enjeux épistémologiques et politiques sont étroitement imbriqués et il est important de les considérer de manière articulée pour dépasser ce que Leclerc nomme un «dualisme stérile qui met en opposition une conception internaliste de la discipline, qui isole la connaissance de son contexte d’élaboration, et une conception externaliste, qui s’emploie à l’inverse à la réduire à ses dimensions sociales et historiques» (Leclerc, 1989, p. 50). À partir du concept d’habitus disciplinaire, cet auteur considère la discipline comme une forme particulière d’organisation des rapports sociaux au sein du champ scientifique, qui ne peut pas être dissociée des jeux stratégiques des acteurs, toujours fluctuants. Cette définition me paraît particulièrement intéressante, car elle permet d’appréhender le travail social non pas comme une discipline aux frontières fixées une fois pour toute, mais comme un espace disciplinaire dont les contours sont renégociés en fonction d’enjeux politiques et épistémologiques qui sont étroitement imbriqués. Une telle proposition permet de considérer les débats actuels comme une opportunité d’affiner les contours de cette discipline et d’affirmer l’identité de cette discipline, plutôt que d’y voir «un combat idéologique pour valoriser et maintenir les frontières territoriales d’un champ d’actions concurrentielles à protéger ou à défendre» (Parazelli, 2015, p. 33). Comme le soulignent Heijboer et Rullac (2021, p. 209): «ce n’est pas la décision politique qui crée le paradigme scientifique».
Néanmoins, la légitimation politique et institutionnelle du travail social comme discipline académique autonome d’enseignement et de recherche facilite largement la réflexion collective en offrant des espaces institutionnels légitimes où elle peut avoir lieu, comme le montrent bien les situations opposées de la France et du Québec. Cette reconnaissance politique n’est toutefois pas suffisante pour créer une identité commune, comme on le constate en Suisse romande.
Dans un article posant la question des frontières de la discipline travail social, Maugère (2023) propose quatre concepts qui me semblent féconds pour dépasser le deuxième écueil, soit la confusion entre le projet disciplinaire et ses composantes. Cette auteure reprend les trois concepts mobilisés par Pires (1995) pour définir la discipline criminologique, que sont l’objet, l’activité de connaissance et le champ d’étude. Elle propose un quatrième concept, qu’elle nomme la praxis.
Selon Maugère, pour délimiter les contours de la discipline travail social, il est tout d’abord nécessaire de définir son objet. A ses yeux, si les connaissances produites par le travail social doivent être au service de la profession, son objet doit logiquement être le même que celui de l’intervention sociale. S’appuyant sur la définition donnée par la Fédération internationale du travail social, elle définit donc l’objet de la discipline travail social comme l’interaction dynamique entre l’individu et son environnement social. Cet objet est toutefois difficilement saisissable, en raison de sa nature dynamique et complexe et il nécessite parfois de «s’écarter des solutions toutes faites qui ignorent à la fois la singularité de toute situation et/ou la complexité du lien social» (Maugère, 2023: 7).
Le deuxième concept que Maugère reprend de Pires (1995, p. 26) est l’«activité de connaissance», qui consiste à «avoir une vue globale, la plus globale possible à un moment donné, des problèmes, questions et connaissances produites qui peuvent enrichir la question criminelle». Selon Maugère, la spécificité de l’activité de connaissance de travail social est son caractère interdisciplinaire. En effet, c’est parce que son objet est complexe et dynamique que le travail social doit s’appuyer sur les connaissances de diverses disciplines qui lui permettent de construire une vue globale sur son objet: «Ce projet nécessite alors d’accepter le contexte d’incertitude du monde dans lequel nous vivons, tout en ne renonçant pas à la connaître mieux, grâce à cette vue globale» (Maugère, 2023, p. 8).
Pour permettre cette vue globale et pour pouvoir composer avec l’incertitude de son objet, la discipline travail social doit fournir à l’intervention sociale des connaissances plus larges que son champ d’intervention. Pour en rendre compte, Maugère reprend la notion de «champ d’étude » proposée par Pires (1995, p. 17), c’est-à-dire «divers savoirs disciplinaires qui ont néanmoins un thème commun, ou encore qui se réfèrent à des thèmes reliés et jugés per tinents».
Selon Maugère, le champ d’étude du travail social ne se confonde pas avec son champ d’intervention, il est plus large. Ceci a deux implications essentielles pour offrir une définition de la discipline travail social qui ouvre au dialogue. D’une part, ce champ d’étude peut être nourri par l’ensemble de membres de la communauté scientifique et pas uniquement des professionnel∙le∙s ou des chercheur∙e∙s en travail social. D’autre part, la définition que donne Pires (1995, p. 17) du champ d’étude composé de savoirs qui «peuvent avoir ou non la prétention d’être scientifiques» laisse une place à l’hybridation des savoirs.
En plus de ces, Maugère complète ces trois concepts proposés par Pirès par un quatrième concept, celui de praxis: malgré un pluralisme d’approches théorico-politique, les recherches et interventions en travail social ont en commun leur orientation pratique vers la transformation: «La question de la transformation de soi et celle de l’environnement sont inextricablement liées, de même que sont inextricablement liés ce besoin humain nouveau de connaitre le social d’une nouvelle manière, de se le représenter donc différemment et de le transformer en empruntant de nouvelles voies» (Maugère, 2023, p. 13).
3 Le travail social: un espace disciplinaire en négociation, au service de la justice sociale
Cette dernière section propose quelques jalons qui ne visent pas à clore le débat ou à prendre position pour l’une ou l’autre approche politique, théorique ou méthodologique, mais plutôt à contribuer à la discussion collective en proposant une manière de clarifier les contours de cet espace disciplinaire qu’est le travail social. Si je pense qu’il est essentiel de reconnaître le travail social comme discipline académique, ce n’est pas parce que j’estime qu’elle n’existe pas, mais plutôt que les travaux réalisés en travail social se font en ordre dispersé, sur la base d’implicites qui créent des malentendus et un manque de visibilité susceptibles d’affaiblir leur portée scientifique et politique.
Dans un premier temps, je discute les apports et les limites de la littérature francophone à la lumière des quatre concepts proposés par Maugère pour éclairer les frontières de la discipline travail social. Dans un deuxième temps, je propose d’approfondir la réflexion qu’elle propose avec son concept de praxis.
3.1 Discussion critique de la littérature à la lumière des quatre concepts
La première proposition émanant de la littérature est de considérer le travail social comme une science pratique ayant pour objet l’intervention sociale. Or, s’il me paraît évident que les connaissances produites par le travail social doivent être au service de la profession et de l’intervention sociale, ces connaissances ne peuvent toutefois pas être produites à partir de la seule analyse de la pratique professionnelle,
sans tenir compte des réalités sur lesquelles elle est amenée à intervenir. Comme le soutient également Maugère, il y a là confusion entre l’objet et l’utilité de cette science. La formation en alternance dans la plupart des écoles de travail social reconnaît cette dualité, en préparant les étudiant∙e∙s à la fois aux manières d’intervenir (les cours portant sur l’intervention sociale) et à l’analyse critique des réalités sociales concernées par l’intervention sociale. Ces deux dimensions ne sont pas simplement juxtaposées dans la formation, mais elles sont articulées de manière à offrir aux étudiant∙e∙s une formation à la fois académique et professionnalisante qui a pour effet de les former à la discipline travail social d’une manière spécifique et distincte des autres formations en sciences sociales. Ainsi, si on peut adhérer à l’idée que le travail social est une science pratique, dans le sens qu’elle est au service de la profession, son objet n’est pas l’intervention sociale. C’est, comme le propose Maugère, le même objet que l’intervention sociale, soit la relation dynamique entre l’individu et l’environnement social.
La deuxième proposition qui ressort de la littérature est que la spécificité du travail social est son caractère interdisciplinaire. Le concept d’activité de connaissance proposé par Pires, tel qu’appliqué au travail social par Maugère, permet de nuancer le caractère exclusif de cette proposition. Si cette interdisciplinarité est bien l’une des spécificités du travail social, c’est aussi le cas d’autres champs disciplinaires tels que les sciences de l’éducation par exemple. Ce qui distingue la discipline travail social d’autres discipline est la manière spécifique dont son activité de connaissance intègre des connaissances interdisciplinaires au service de son objet. C’est parce que son objet est complexe et dynamique que le travail social doit s’appuyer sur les connaissances de diverses disciplines qui lui permettent de construire une vue globale sur son objet. Or, pour obtenir cette vue globale, il ne s’agit pas uniquement de juxtaposer des connaissances produites par d’autres disciplines. Parce que ce projet mobilise des connaissances qui n’offrent pas en elles-mêmes cette vue globale sur son objet, il nécessite ce que Couturier et Turcotte (2014) nomment une «redisciplinarisation», comprise comme une intégration de ces connaissances de manière critique et articulée au service du projet scientifique du travail social.
Venons-en enfin à la troisième proposition selon laquelle le propre du travail social serait d’être une science participative. La définition du champ d’étude du travail social proposée par Maugère permet de faire le lien avec la pratique du travail social, en intégrant l’expertise professionnelle, ainsi que l’«expertise usagère», tel que le proposent notamment Heijboer et Rullac (2021). Cette posture est par ailleurs cohérente avec le projet pratique (praxis) du travail social, tel que défini par Maugère, à savoir orienté vers la transformation. Toutefois, si je crois fermement à la pertinence des approches participatives
dans la recherche en travail social, tout comme je soutiens la nécessité de l’hybridation des savoirs scientifiques, professionnels et usagers (Colombo et al., 2023), je ne pense pas que ce paradigme constitue l’unique voie cohérente avec ce projet scientifique pratique du travail social. D’autres paradigmes théoriques ou méthodologiques peuvent tout aussi bien permettre une activité de connaissance interdisciplinaire permettant de mieux comprendre les interactions dynamiques entre l’individu et son environnement et les transformer. Plus encore, présenter le paradigme participatif comme l’unique voie possible pour la recherche en travail social risque d’avoir l’effet contre-productif de faire de la participation une injonction pour les professionnel∙le∙s et les publics concernés, servant in fine davantage les intérêts des chercheur∙e∙s que l’avancement des connaissances au service de la transformation sociale.
3.2 Un projet scientifique pratiquement engagé en faveur d’un vivre ensemble plus juste
Les quatre concepts proposés par Maugère permettent de montrer que les trois propositions qui ressortent de la littérature francophone (sans compter la première proposition, qui considère que le travail social n’est pas une discipline) doivent être pensées non pas isolément ou de façon exclusive, mais de manière articulée et organisée en un tout cohérent permettant de tracer les contours de cet espace disciplinaire du travail social, en constante renégociation. Ainsi, ce qui fait la spécificité de la discipline travail social par rapport à d’autres disciplines est bien la façon exclusive et spécifique d’articuler ces quatre dimensions entre elles.
Avant de conclure, je souhaite approfondir le concept de praxis proposé par Maugère. En ajoutant ce quatrième concept, elle suggère que le projet scientifique de la discipline travail social vise non seulement à comprendre, mais aussi à transformer la société. Cette visée de transformation me semble centrale dans la définition de cette discipline, mais elle me semble être plus qu’un projet pratique. Ce projet est également éthique, voire politique, dans le sens qu’il s’agit d’une science pratiquement engagée qui vise à créer les conditions d’un vivre ensemble plus juste. En d’autres termes, la discipline travail social vise à produire des connaissances scientifiques permettant d’apporter des réponses pratiques à la question: comment faire pour vivre ensemble de la manière la plus juste possible, malgré nos différences.
Les réponses à cette question sont diverses et font appel à des postures idéologiques, des courants théoriques et des approches méthodologiques différents, qui peuvent cohabiter ou se succéder à travers le temps. Pensons par exemple aux figures idéologiques historiques du travail social identifiées par
Saül Karsz (2011) que sont la charité, la prise en charge et la prise en compte. On peut aussi penser à la tension qui existe actuellement au sein du travail social, entre une posture d’individualisme libéral, favorisant la responsabilité individuelle pour prendre sa place en société, et une posture d’individualisme démocratique, favorisant une lecture sociale des inégalités et des mesures de vivre ensemble fondées sur la solidarité sociale. Si elles peuvent paraître contradictoires, ces postures me semblent néanmoins toutes proposer des voies de transformation sociale, à la fois pratiques et théoriques, en faveur d’un vivre ensemble plus juste du point de vue des acteurs et actrices concernées.
Ainsi, il me semble que ce qui caractérise en premier lieu la discipline travail social est son projet scientifique pratiquement engagé pour un vivre ensemble plus juste. Cette posture éthique qui fonde la discipline travail social n’impose pas de réduire la complexité de son objet, mais elle influence son rapport à celui-ci, car si elle s’intéresse aux rapports dynamiques entre individu et environnement social, c’est bien pour les éclairer sous un jour nouveau visant à révéler les injustices et à penser des voies nouvelles pour tendre vers plus de justice sociale. C’est pourquoi, à mes yeux, la recherche en travail social doit être au service de l’intervention en travail social, mais pas seulement. Elle doit être plus largement au service d’un «besoin social» (Heijboer & Rullac, 2021) et ce besoin social est étroitement lié au principe éthique de justice sociale. Mis en relation avec l’objet du travail social, ce principe éthique se définit non pas de manière abstraite, mais bien dans le sens de ce qui est juste pour l’individu en relation dynamique avec son environnement. La visée éthique du projet scientifique du travail social ainsi défini détermine et dessine les contours du champ d’étude de cette discipline. Enfin, cette posture éthique n’implique pas non plus de réduire l’activité de connaissance de la discipline à une approche théorique spécifique, ni à un paradigme méthodologique ou épistémologique particulier. Toutefois, elle impose une contrainte spécifique à cette activité de connaissance, en exigeant de soumettre les références théoriques sollicitées, les méthodologies utilisées, les partenariats construits et les résultats produits à un examen critique systématique visant à vérifier leur cohérence avec la posture éthique engagée en faveur de la justice sociale.
Conclusion
Si en Suisse, le travail social est reconnu institutionnellement comme discipline académique, le défi, en particulier pour la Suisse romande, est maintenant de réussir à affirmer plus clairement son identité disciplinaire en clarifiant ce qui fait la spécificité de cette discipline académique autonome. Au sein des Hautes écoles de travail social romandes, si un module portant sur la discipline travail
social a été introduit dans le nouveau programme d’études cadre du bachelor, entré en vigueur en 2020, sa mise en œuvre relève davantage d’initiatives individuelles des enseignant∙e∙s que d’une véritable discussion collective. Le sujet du travail social comme discipline reste délicat à aborder, voire tabou, car il est perçu comme potentiellement menaçant pour la fragile cohabitation entre une diversité de profils au sein du personnel d’enseignement et de recherche de ces écoles. En effet, une délimitation plus claire des frontières de la discipline suscite les craintes d’entériner des doutes de plusieurs sur leur légitimité à enseigner et faire de la recherche en travail social, en raison du fait qu’ils et elles ont été formé∙e∙s dans d’autres disciplines académiques pour les un∙e∙s ou qu’ils et elles disposent d’une expérience professionnelle en travail social plutôt qu’académique, pour les autres.
Cet article, dans la suite de conférences et séminaires organisés notamment par la Commission théorie de la Société Suisse de Travail social, se veut un encouragement aux Hautes écoles de Suisse romande à se donner les moyens d’une discussion collective permettant d’empoigner ce sujet à brasle-corps, afin de co-construire en toute confiance un discours cohérent sur la manière dont nous souhaitons positionner et définir l’identité de cet espace disciplinaire en constante renégociation. Il se veut également un encouragement à poursuivre les ponts jetés entre les différentes régions linguistiques, pour mener un débat au niveau national qui permettra de réduire l’éclatement et l’hétérogénéité qui caractérise actuellement la formation et la recherche en travail social, et d’affirmer une identité disciplinaire dans laquelle elle peut se reconnaître et être reconnue.
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Autrice
Annamaria Colombo, HES-SO Haute école de travail social Fribourg, annamaria.colombo@hefr.ch