[Articles] [Dossier 2024] Perspective historique du handicap et contradictions actuelles autour de la personne vieillissante en institutions socio-éducatives



Cette contribution fait partie du Dossier 2024 «Au cœur des contradictions sociales. Contexte et histoire du travail social».

Melissa Ischer, Ophélie Guerdat, Valérie Hugentobler et Aline Veyre

Résumé
Les manières de considérer, d’appréhender et d’accompagner le handicap n’ont cessé d’évoluer à travers le temps. Actuellement, les principes d’inclusion, de participation sociale et de libre choix constituent les référentiels clefs sur lesquels se basent les établissements socio-éducatifs (ESE) pour orienter leurs dispositifs d’accompagnement. L’article propose un éclairage critique sur la manière dont l’accompagnement des personnes vieillissantes en ESE questionne et défie l’application concrète de ces principes.

Mots clés: handicap, vieillissement, évolution de l’accompagnement, besoins spécifiques, limites institutionnelles

Historical perspective on disability and current contradictions around
the ­ ageing ­ people in residential institutions

Summary
The ways in which disability is considered, understood and supported have continued to evolve over time. Today, the principles of inclusion, social participation and free choice are the key reference points on which residential institutions base their support systems. This article sheds critical light on the way in which support for ageing people in residential institutions questions and challenges the practical application of these principles.

Keywords: disability, ageing, evolution of support, specific needs, institutional limits

Introduction

Depuis une cinquantaine d’années, de nombreux changements ont eu lieu dans le champ du handicap. L’importance accrue portée à la qualité de vie, l’adoption d’une approche fondée sur les droits ou encore les revendications pour une meilleure prise en considération de l’avis et des souhaits des personnes concernées

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sont autant d’éléments ayant contribué à faire évoluer les dispositifs d’accompagnement. À l’heure actuelle, les principes comme la liberté de choix, l’inclusion ou encore la participation sociale sont considérés comme fondamentaux. Toutefois, leur mise en œuvre n’est pas toujours aisée, particulièrement lorsqu’il est question de personnes manifestant des besoins de soutien importants et/ou spécifiques. Cet article a pour objectif de traiter de cette question. Il débute par un retour historique retraçant l’évolution de la considération portée aux personnes en situation de handicap ainsi que celle des dispositifs d’accompagnement du Moyen-Âge à nos jours. Cette contextualisation permet de situer et de discuter les transformations et les enjeux actuels liés à l’accompagnement des personnes en situation de handicap vivant dans des établissements socio-éducatifs. Ensuite, différentes problématiques rendant complexe la mise en œuvre des principes fondamentaux actuels sont explicitées. Ces problématiques ont été identifiées dans une recherche exploratoire visant à décrire et à analyser l’accompagnement proposé aux personnes vieillissantes dans des ESE.

Évolution des dispositifs d’aide et d’accompagnement du handicap

Selon l’ouvrage historique de Korpes (1988), au Moyen-Âge l’apparition dans notre contexte occidental du christianisme impose une vision binaire du bien et du mal. Le handicap est souvent associé au mal ou à une tragédie méritée, comme la conséquence des fautes commises par les parents. Les premières contradictions dans la considération des personnes en situation de handicap arrivent à cette époque. Les communautés chrétiennes, à travers la charité, viennent en aide et défendent les plus pauvres offrant hospitalité et aumône. Pourtant, tous et toutes ne bénéficient pas des mêmes traitements. Certaines catégories de personnes, à l’instar des lépreux et d’autres personnes considérées comme marginales, sont exclues de tout type de traitement charitable. Ils et elles sont d’ailleurs refusé·e·s des communautés religieuses. Si les exclu·e·s ne peuvent plus pratiquer avec les autres, ils et elles sont en revanche vivement invité·e·s à suivre des pèlerinages dans l’espoir d’un «miracle» qui les soignerait. C’est également à cette période que des pratiques d’exorcisme en tout genre sont pratiquées, comme des opérations du cerveau (pierre de folie) ou encore la purification par les flammes.
À partir du XIVe siècle, les hôpitaux jusqu’à lors considérés comme
des lieux d’accueil non spécialisés vont peu à peu se catégoriser en fonction des groupes de personnes accueillies. Des tentatives de distinction entre les différents types de handicap voient le jour, notamment dans le but de distinguer le retard mental, actuellement nommé déficience intellectuelle, de la maladie

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mentale. Avec l’invention de l’imprimerie au XVe siècle, les premières tentatives d’explication du handicap via des thèses écrites de médecins voient le jour et se diffusent. Cependant, l’attention n’est pas encore portée sur le développement de pistes d’intervention ou d’accompagnement. La fonction descriptive est plébiscitée. Au XVIIe siècle, l’agrandissement des villes ainsi que l’extrême pauvreté induite par les guerres et les épidémies engendrent une précarisation de la population. Contrairement à l’époque du Moyen-Âge, l’aumône est considérée comme favorisant la dépendance de certains individus. La charité chrétienne, comme principe guidant l’intervention auprès des plus démuni·e·s, est alors remise en question au profit d’un internement massif des personnes considérées comme marginales notamment avec la création de l’hôpital général (Foucault, 1972). Les personnes en situation de handicap sont concernées par ces internements bien qu’elles ne soient pas la cible première. C’est à partir de ce moment que la majorité d’entre elles quittent le milieu ordinaire pour vivre dans un milieu institutionnalisé; modèle d’accompagnement qui, sous d’autres formes, reste d’actualité.
Il faudra attendre le XVIIIe siècle pour que ces hôpitaux aux conditions de vie qualifiées d’inhumaines commencent à séparer les criminels des marginaux des personnes en situation de handicap. À cette époque, on commence à s’intéresser à l’observation des symptômes de ceux que l’on considère comme «fous» ou «idiots». Aussi, avec la démocratisation de l’école, une attention particulière commence à être portée aux personnes sourdes et aveugles. L’industrialisation, qui connait un essor important à partir du XIX e siècle, révèle également les difficultés d’insertion des personnes en situation de handicap sur le marché de l’emploi. L’augmentation de la production et de la concurrence engendrent une pression économique pour les entreprises qui se reportent sur les ouvriers et ouvrières. Dans cette société visant la productivité et la rentabilité, les personnes en situation de handicap sont repérées dès la scolarité et considérées comme n’étant pas capables de suivre le rythme «normal». Des écoles spécialisées commencent alors à voir le jour et séparent des classes ordinaires les enfants avec un handicap. Avec les progrès de la médecine, des spécialistes posent des définitions qui permettent de distinguer ce qui est à trait au retard mental, perçu comme incurable, de la maladie mentale définie comme une démence curable.
Jusqu’à la moitié du XX e siècle, on assiste à une augmentation très importante des institutions d’hébergement pour les personnes en situation de handicap dans les pays occidentaux. Un énorme investissement économique soutenu par les leaders politiques, scientifiques, religieux, médicaux a permis

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de faire des «asiles pour aliénés» ou encore des «workhouses» des pratiques d’accompagnement répandues et acceptées par la société (Brown et al., 2017). Cela contribue ainsi à renforcer les attitudes d’exclusion envers les personnes en situation de handicap renvoyées à leur sort dans des établissements situés loin de la population «valide». En Suisse, c’est aux alentours des années 18501900 que l’on observe l’apparition des premiers «asiles pour aliénés», comme «Champ de l’Air» dans le canton de Vaud ou encore Guggenbuhl à Interlaken. On assiste à un tournant dans la conception du handicap avec une approche qui vise, cette fois-ci, à améliorer la situation de vie des personnes avec ce qui était considéré comme un retard mental. L’apparition de scandales, notamment en lien avec de mauvais traitements, pousse au développement d’un cadre juridique réglementant le fonctionnement institutionnel. Le canton de Vaud promulgue, par exemple en 1851, la première «loi sur l’organisation des établissements de secours publics». Il en va de même concernant la scolarité des enfants en situation de handicap avec une loi votée, en 1911, sur l’école spécialisée.
Toujours selon l’ouvrage historique de Korpes (1988), la Suisse compte, en 1902, 18 institutions pour personnes en situation de handicap. Ces institutions sont des établissements privés comme l’Institution Espérance à Etoy créée en 1872, ou la Fondation Eben-Hézer à Lausanne qui voit le jour en 1899. Ces institutions sont construites dans des lieux calmes et à l’abri des perturbations, soit en dehors des villes. Souvent situées à proximité des terres agricoles, elles permettent de mettre à l’emploi les résident·e·s pour subvenir aux besoins de l’établissement. Initialement construits pour accueillir un petit nombre de personnes, ces établissements reçoivent de plus en plus de demandes d’internement et doivent s’agrandir. Korpes (1988) en évoquant les premières difficultés venant compromettre la mission d’aide de ces foyers affirme que: «Dans ces conditions, l’urgence est aux soins matériels, aux dressages élémentaires, au traitement de masse. Peut-il en être autrement alors que le sous-équipement en personnel est permanent, aussi bien sur le plan médical qu’éducatif?» (p. 50). Les institutions se retrouvent surfréquentées et manquent de ressources. D’ailleurs, l’accompagnement ne séduit que moyennement les professionnel·le·s de l’éducation. Jusque dans les années 1970, les éducateurs et éducatrices sont plutôt destiné·e·s à accompagner les jeunes en difficulté ou dits «caractériels».
Le XX e siècle marqué par les guerres mondiales, puis les Trente Glorieuses, se caractérise par des avancées médicales significatives. Ces recherches permettent d’expliquer certaines atteintes comme le syndrome de Down (ou trisomie 21) et contribuent à réduire les explications irrationnelles et superstitieuses du handicap. Toutefois, les personnes en situation de handicap sont encore sujettes, à cette époque, à des traitements fortement discriminants tels

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que la stérilisation des femmes ou de manière plus extrême l’extermination par le régime nazi1 par exemple.
Pendant toute cette période, le handicap est appréhendé selon une
perspective médicale. L’individu est considéré comme responsable de son handicap, cette condition lui étant intrinsèquement liée. Cette approche biomédicale du handicap aussi appelée «modèle médical» ou «modèle individuel» renvoie la personne à son incapacité qui le désavantage vis-à-vis des personnes considérées comme étant sans handicap (pour une synthèse, se référer à Rochat, 2008). L’accompagnement professionnel a ainsi pour but la guérison ou la réadaptation et la diminution de l’invalidité. De ce fait, on assiste à la création de dispositifs «spécialisés» ou dénommés de manière plus critique de «ségrégation» (Schulze, 2010). Écoles spécialisées, institutions construites en dehors des villes, ateliers professionnels «protégés» sont autant d’exemples qui illustrent un accompagnement mis en œuvre à l’écart des personnes «valides». Les personnes en situation de handicap sont séparées de la population ordinaire pour y être soignées.

Changement de perspective – modèle social et interactionniste du handicap

Les limites du modèle médical ont commencé à être mises en évidence dans les années 1960 notamment sous l’impulsion des mouvements de personnes autoreprésentantes, grâce à la mobilisation de certaines organisations intergouvernementales et au développement des connaissances scientifiques (INSERM, 2016; Rochat, 2008). Un nouveau modèle, dans lequel l’impact de l’environnement est mis au centre des réflexions, est conceptualisé. L’objectif est notamment de pointer le rôle de facteurs externes dans la création du handicap, par exemple des structures sociales peu adaptées ou les préjugés relatifs au handicap et aux déficiences. L’origine du handicap devient alors externe à l’individu. En d’autres termes, dans cette nouvelle perspective, le handicap est considéré comme une construction sociale, résultant d’une inadéquation de la société aux spécificités de ses membres.
Finalement, un troisième modèle s’est développé. Qualifié d’interactionniste, il tente de concilier les deux approches: individuelle et sociale. Dans cette perspective, le handicap est considéré comme la résultante de multiples facteurs tant personnels qu’environnementaux. De fait, une attention particulière est apportée aux multiples dimensions entrant en jeu dans la compréhension du handicap. Le modèle de développement humain «Processus de production du handicap2 (MDH-PPH)» s’inscrit dans cette perspective (Fougeyrollas, 2010). Ce modèle se base sur une approche écosystémique et interactionniste.
Par une documentation fine du fonctionnement de la personne dans son environnement,

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il permet de déterminer la qualité de la participation sociale et de définir si la mise en place de soutien est nécessaire. Dans cette perspective, le handicap est considéré comme situationnel et non comme une réalité permanente. Il n’émane pas de la responsabilité de la personne, mais résulte d’une interaction dysfonctionnelle. Ce type d’approche a permis de généraliser l’usage de la terminologie «personne en situation de handicap».

Une meilleure reconnaissance des droits

En plus d’avoir contribué à soutenir le changement de paradigme en soutenant le développement d’une vision plus sociale du handicap, la mobilisation des instances intergouvernementales a contribué à une meilleure reconnaissance des droits des personnes concernées par le handicap. Ainsi, partant du constat que les personnes en situation de handicap n’étaient pas représentées explicitement par les droits de l’homme, l’Organisation des Nations Unies (ONU) a mené différentes actions depuis les années 1970 pour affirmer la reconnaissance de la jouissance de ces droits. Avant l’instauration de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH-ONU, 2006), la déficience ou le handicap n’étaient, en effet, pas mentionnés comme des motifs de discrimination par la Charte internationale des droits de l’Homme. Héritage des conceptions médicales du handicap, les personnes en situation de handicap n’étaient pas considérées comme des acteurs à part entière de la société. Ainsi, elles ne bénéficiaient pas de protection juridique et étaient complètement invisibilisées dans la défense des droits de l’Homme (Schulze, 2010). En 1975 est promulguée la première «Déclaration sur les droits des personnes handicapées» qui n’a pas de véritable valeur juridique, mais qui a le mérite d’enclencher un processus de reconnaissance des discriminations subies par les personnes concernées et leur famille. Ceci pose ainsi les premiers jalons qui amèneront à l’élaboration de la CDPH par l’ONU en 2006.
Cette convention couvre tous les domaines dans lesquels les personnes en situation de handicap sont susceptibles de faire face à des inégalités. Le but étant de promouvoir la pleine et égale jouissance de droits de l’Homme à toutes et tous, elle formule des objectifs aux États parties afin de les contraindre à prendre les mesures nécessaires visant à garantir l’égalité des chances, assurer l’accessibilité et à promouvoir le respect, la non-discrimination ainsi que la participation et l’intégration pleine et effective à la société.
Finalement, avec la création de formations spécifiques d’éducateurs
et d’éducatrices, le champ de l’accompagnement des personnes en situation de handicap se professionnalise. Les modèles de prise en charge évoluent et les équipes deviennent pluridisciplinaires en accueillant également des physiothérapeutes,

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psychologues, logopédistes, psychomotricien·ne·s (Korpes, 1988; Mercier & Bazier, 2004). Dès lors, l’expertise est partagée et est confrontée entre plusieurs acteurs, dont la personne concernée: «Les personnes ne doivent plus être tributaires d’étiquettes qui les marquent, en les faisant correspondre à des constructions théoriques réductrices. Il s’agit de favoriser les confrontations d’interprétation, y compris celles proposées par les bénéficiaires» (Mercier & Baizier, 2004, p. 125). Se développent ainsi de nouvelles approches d’accompagnement centrées sur l’individu et son projet, comme le Projet Personnalisé d’Intervention (PPI) qui guident les professionnel·le·s dans leur pratique.
À partir de ce changement de paradigme, les dispositifs d’aide abandonnent la logique curative au profit de la valorisation des capacités et des compétences de la personne. Parallèlement, il est exigé que les barrières d’accessibilité – qu’elles soient physiques ou sociales – soient supprimées. L’environnement, censé être plus favorable et accessible, devrait ainsi permettre une vie plus autonome des personnes en situation de handicap. La logique d’autonomisation devient alors la ligne de conduite de l’accompagnement professionnalisé (Rochat, 2008).

Focus sur la situation suisse

La Suisse a ratifié la CDPH en 2014. Une partie de l’application concrète de mesures favorisant la défense des droits des personnes en situation de handicap est déléguée aux cantons. Les responsables cantonaux œuvrent ainsi à la mise en place d’une politique qui respecte les recommandations formulées par la CDPH. Des avancées comme l’élaboration de nouvelles lois, des adaptations architecturales, des rénovations d’institutions sociales ou encore le développement de prestations innovantes répondant aux besoins des personnes concernées sont identifiées par le Conseil fédéral dans son rapport de mise en œuvre (2016). Le récent rapport d’évaluation de l’ONU (Comité des droits des personnes handicapées, 2022) sur les premières années de ratification de la Suisse, ainsi que le rapport alternatif rédigé par les associations représentantes des milieux du handicap (Inclusion Handicap, 2017; Hess-Klein & Scheibler, 2022) notent toutefois que la marge de progression est encore importante pour la Suisse. Les documents concluent au non-respect, dans certains domaines, des droits des personnes en situation de handicap. Les mesures favorisant une société plus inclusive sont ainsi jugées insuffisantes.
Concernant les dispositifs d’accompagnement, conformément à la
péréquation financière décidée en 2008, chaque canton porte la responsabilité de définir la politique en faveur des personnes en situation de handicap et de gérer son offre de soutien. En ce qui concerne les prestations d’hébergement

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relatives au lieu de vie des personnes en situation de handicap, le changement de paradigme de modèle de conception du handicap entraine avec lui un mouvement de désinstitutionnalisation des personnes en situation de handicap au profit d’une vie plus autonome et du respect de leurs droits (Hirlet & Pierre, 2017; Abbaléa, 2012). Dans ce contexte, on assiste de manière plus ou moins forte dans tous les cantons romands à un développement des politiques ambulatoires en faveur des personnes en situation de handicap et à la diversification des formes d’habitat. Cela se traduit par exemple par la fermeture de lits de «long séjour» en psychiatrie, le développement d’habitats alternatifs ou intermédiaires, ou encore le développement de mesures de suivi à domicile. Pour autant, le nombre de personnes résidant en institutions continue d’augmenter3. En 2015, 24 710 places en institutions avec encadrement 24 heures sur 24 sont proposées en Suisse (Fritschi et al., 2020). En parallèle, les autorités cantonales romandes reçoivent des demandes d’agrandissement des institutions, de création de nouvelles unités de vie ou encore de dotations supplémentaires en personnel socio-éducatif, mais aussi soignant4. Ce phénomène qui peut paraitre paradoxal met en lumière les champs de tension existant aujourd’hui en Suisse dans les dispositifs d’accompagnement des personnes en situation de handicap.

Accompagnement dans le champ du handicap: problématiques actuelles

Comme susmentionné, la conception du handicap et, par conséquent, ses approches d’accompagnement ont fortement évolué au fil du temps. Les premières inégalités de traitement visibles dès l’époque de la charité chrétienne ont conduit au fil des années à des pratiques d’exclusion des personnes en situation de handicap. Suivant la période de l’enfermement de toutes les personnes considérées comme «en dehors de la norme», le modèle médical constituant l’approche de référence depuis le XX e siècle en termes d’accompagnement a fortement participé à l’institutionnalisation massive des personnes en situation de handicap. Avec le développement de l’approche sociale du handicap, la société est questionnée notamment sur les barrières qu’elle pose elle-même aux personnes en situation de handicap. Les normes actuelles véhiculées se basent sur des principes comme l’inclusion, le libre choix et la pleine participation sociale. Les modèles d’accompagnement biomédicaux sont remis en question à l’aune de ces principes. Ainsi, les institutions développent de nouveaux concepts d’accompagnement, voire de nouveaux types de prestation, s’inscrivant davantage dans le cadre éthique et légal actuel.
Toutefois, ces évolutions – certes positives – tendent à invisibiliser d’autres problématiques. Certains facteurs sont identifiés comme freinant la transformation des modèles d’accompagnement classiques, rendant parfois

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impossible l’application des valeurs de référence actuelles. En effet, des situations d’accompagnement spécifiques révèlent les limites de l’application concrète des principes fondamentaux de promotion des droits des personnes en situation de handicap. Il peut s’agir de situation de personnes vivant avec des difficultés qui se cumulent au handicap, comme un problème d’addiction ou encore une pathologie somatique importante. La question du vieillissement des personnes en situation de handicap est également un bon exemple qui permet d’illustrer la manière dont l’accompagnement se complexifie. Ainsi, comme cela fût déjà le cas dans les années 1970, l’organisation institutionnelle, la question de la médicalisation de l’accompagnement ou encore les types d’habitats plus ou moins inclusifs continuent d’être questionnés et discutés dans les institutions socio-éducatives. Pour certaines situations qui nécessitent un accompagnement plus soutenu, la notion de «libre-choix» des personnes en situation de handicap est remise en cause par des dispositifs pas toujours en mesure de garantir ce principe fondamental.
Le prochain paragraphe met en évidence l’ensemble des facteurs identifiés dans le contexte très spécifique de l’accompagnement des personnes vieillissantes en institutions socio-éducatives. Ces facteurs rendant complexe et ralentissant la mise en œuvre des principes d’accompagnement actuellement en vigueur ont été mis en évidence par une enquête menée auprès de 70 institutions en Suisse romande entre 2020 et 2022. Les objectifs de l’étude étaient de documenter la situation de ce public vieillissant au sein des institutions socio-éducatives romandes, de décrire et analyser l’accompagnement proposé ainsi que d’identifier les défis liés à l’accompagnement de cette population. Cette étude comportait trois volets. Le premier avait pour objectif de décrire les cadres légaux et les politiques d’accompagnement des personnes en situation de handicap vieillissantes dans les six cantons de Suisse romande. Une analyse documentaire ainsi que des entretiens d’approfondissement ont été mené dans chacun des cantons. Le deuxième volet visait à répertorier et dresser une typologie des institutions hébergeant des personnes en situation de handicap adulte et proposant des prestations à des personnes considérées comme étant vieillissantes. Un questionnaire en ligne a été diffusé à l’ensemble des institutions proposant des prestations d’hébergement et/ou d’accompagnement professionnel aux personnes en situation de handicap à temps plein dès 18 ans dans les six cantons romands (n = 95). Les questions reprenaient les principales thématiques, mises en évidence dans le premier volet, et considérées comme étant particulièrement intéressantes à documenter, à savoir: 1) profil des personnes vieillissantes, 2) dispositifs d’accompagnement et 3) besoins couverts et non couverts. Finalement, le troisième volet visait à examiner plus finement les

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réponses institutionnelles apportées au phénomène de vieillissement ainsi que les défis actuels et futurs identifiés. Des entretiens d’approfondissement ont été menés avec quinze professionnel·le·s d’établissement ayant complété le questionnaire proposé dans le deuxième volet de l’étude.

Problématiques spécifiques liées à l’accompagnement des personnes vieillissantes

Un profil de besoin spécifique

Si les individus les plus autonomes bénéficient aujourd’hui de dispositifs plus inclusifs comme les formes d’habitats alternatifs ou du suivi à domicile, les personnes qui vivent en institution constituent un groupe dont les besoins de soutien sont importants. Parallèlement, avec une espérance de vie se rapprochant de la population ordinaire (Azema & Martinez, 2005; Delporte & Chamahian, 2019; Organisation Mondiale de la Santé [OMS], 2011; Reynaud, 2019) les résident·e·s deviennent de plus en plus âgé·e·s et vivent par conséquent plus longtemps en institution.
Ces résident·e·s avançant en âge sont donc amené·e·s à connaitre les
effets du vieillissement (Verbrugge & Yang, 2002). Ainsi, comme pour de nombreuses autres personnes, au fil du temps, des difficultés motrices, des pertes d’équilibre ou encore un ralentissement général du rythme peuvent apparaître. Le processus de vieillissement peut toutefois avoir des répercussions plus importantes sur le fonctionnement, déjà altéré, et la qualité de vie des personnes en situation de handicap (OMS, 2011; Sarfaty & Bonfils, 2012). En effet, les personnes en situation de handicap ont tendance à connaitre un vieillissement plus complexe. Elles sont plus à risque d’être confrontées à des maladies chroniques telles que l’ostéoporose, les problèmes dentaires, le diabète, les maladies cardiovasculaires, le surpoids ou encore les problèmes de vision et d’audition (Acharya et al., 2016; Haveman et al., 2011; Hsieh et al., 2015; Hsieh et al., 2014).
En vieillissant, les besoins en matière d’aides humaines, techniques,
médicales ou encore financières des personnes en situation de handicap peuvent devenir plus importants (Nuss, 2019). Par ailleurs, ce public nécessite une attention plus particulière de la part des professionnel·le·s qui doivent tenir compte des différentes atteintes liées à l’âge qui sont souvent sous-diagnostiquées (Bittles et al., 2002; Haveman et al., 2011; Heller, 2019; INSERM, 2016). Fleuret (2011), dans une analyse structurelle questionnant l’accompagnement offert aux personnes en situation de handicap vieillissantes, rappelle que leurs besoins se situent à la frontière entre le champ du handicap et de la gérontologie. Difficile alors pour les professionnel·le·s de reconnaitre les manifestations de l’âge et d’attribuer ce qui relève du handicap de la personne ou de son vieillissement.

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Des diminutions de compétences physiques et sensorielles, elles apparaissent à des degrés divers chez les résident·e·s comme pour tout à chacun. Je dirais que là, c’est assez compliqué à un moment donné de se dire… C’est sûr qu’à partir d’une cinquantaine d’années, on va commencer à se poser ces questions, faire des observations plus ciblées, on va échanger avec les médecins. Mais après de dire qu’est-ce qui est vraiment de quel ordre (vieillissement ou handicap) ou pas? Je dirais que nous, on n’a pas toujours la réponse et le corps médical non plus. (Responsable dans l’institution A., 2022)

Au cours des entretiens menés dans cette enquête, les professionnel·le·s confirment ces affirmations en confiant ne pas toujours être en mesure d’identifier le vieillissement des résident·e·s. La majorité se base sur les observations quotidiennes du personnel qui relève les changements de comportement des résident·e·s. Certaines institutions utilisent des outils, comme la grille de reconnaissance du vieillissement et des besoins émergents5 élaborée par le canton de Vaud. D’autres attribuent le vieillissement à un âge chronologique tel que celui de la retraite qui marque une rupture dans les activités habituellement réalisées (Delporte, 2015). Dans tous les cas, une véritable définition du vieillissement des personnes en situation de handicap ne fait pas consensus dans les institutions romandes. Ce sont plutôt les manifestations qui conduisent à une augmentation des besoins qui en définissent les contours.

Accompagnement dans les soins

Depuis la volonté de sortir des modèles biomédicaux d’accompagnement du handicap, les institutions socio-éducatives se sont dirigées vers des approches peu, voire complètement non-médicalisées dans l’idée de proposer un environnement proche du «lieu de vie» plutôt que du «lieu de soin». Pourtant, les publics hébergés actuellement dans les institutions destinées aux personnes avec une déficience intellectuelle nécessitent de plus en plus d’aide dans les tâches en soin et dans les activités de la vie quotidienne. Une augmentation et une spécification des besoins de soutien sont mises en évidence par la majorité des institutions ayant répondu au questionnaire.

À partir du moment où il faut une surveillance quotidienne, que vous avez des soucis de… La démence c’est très marqué parce qu’à un moment donné, vous avez des personnes qui sont dans des modes d’angoisse. Ou aussi, ça peut être la gestion des médicaments. Il faut vraiment veiller au jour le jour. Il faut pouvoir avoir vraiment peut-être des contacts avec un médecin traitant au quotidien. Et puis au

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niveau physique, ça peut aussi devenir à un moment donné très compliqué. C’est vrai que si on avait 10 personnes pour qui la mobilité est un problème… En fait, ça dépend aussi de qui a un problème en même temps on va dire. (Responsable dans l’institution A., 2022)

Les professionnel·le·s des institutions rencontré·e·s affirment que leurs limites d’accompagnement se révèlent notamment lorsque les besoins en soin deviennent trop importants; qu’une surveillance accrue jour et nuit (surtout) est nécessaire; lorsque les équipes soupçonnent l’apparition de démence impactant le fonctionnement de la personne par exemple la déambulation; lorsque l’architecture ne rend pas les bâtiments suffisamment accessibles; ou encore lorsque certains soins spécifiques ne peuvent être réalisés ni délégués aux équipes éducatives.
Dès lors, on assiste au paradoxe d’une (re)médicalisation de certains lieux de vie institutionnels socio-éducatifs. Cela se traduit par l’engagement de personnel soignant, principalement des assistant·e·s en soins et santé communautaire (ASSC) qui peuvent autant prodiguer des soins qu’accompagner les résident·e·s dans leur quotidien. Certaines institutions attachées au modèle non-médicalisé usent d’autres stratégies comme le recours à des organismes de soins externes. Cela entraine donc un questionnement des dotations en personnel, de sa qualification, mais également du système financier des institutions socio-éducatives. En Suisse, ces établissements sous mandat de prestations avec les cantons disposent d’une enveloppe budgétaire qui couvre les dépenses en personnel selon un calcul d’équivalent plein temps (EPT) nécessaire à l’accompagnement. Ce budget est alloué chaque année indépendamment des variations des besoins individuels des personnes accompagnées.
Les institutions rencontrées rapportent devoir trouver des stratégies pour faire entrer l’accompagnement médical dans cette enveloppe sans qu’il prétérite le temps dédié à l’accompagnement dit «éducatif» ou de soutien. L’augmentation des tâches de soin enclenche alors dans les institutions rencontrées une réflexion sur le modèle de financement des prestations. S’inspirant du modèle développé dans les établissements médico-sociaux (EMS), la refacturation des actes de soins à l’assurance maladie de base (LAMal) est, par exemple, envisagée comme solution.

Libre-choix du lieu de vie

Les institutions tentent de s’adapter à l’augmentation des besoins manifestés par la personne concernée. Leur capacité à répondre à ces besoins complexes définit, parfois de manière radicale, la poursuite ou non de l’accompagnement

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de la personne et, par conséquent, sa possibilité de rester ou non vivre dans son lieu de vie. Pour ces publics dont l’accompagnement est décrit comme plus soutenu, l’offre institutionnelle n’est que limitée en Suisse romande. La majorité des cantons romands ne disposent que de quelques institutions dédiées à l’accompagnement «classique» des personnes en situation de handicap. Lorsque ces institutions se retrouvent face à des limites d’accompagnement, elles n’ont d’autres choix que d’imposer un transfert vers une autre institution ou un EMS pour les plus âgé·e·s. Ceci peut donner lieu, par exemple, à des «ping-pongs» entre institutions, à des changements de cantons imposés lors des placements appelés «hors cantons» ou encore à des entrées en EMS bien avant l’âge de la retraite. De plus, avec le vieillissement des résident·e·s se pose également la question de l’accompagnement de fin vie. Si une grande partie des institutions rencontrées affirment vouloir accompagner leurs bénéficiaires tout au long de la vie, ces pratiques sont encore peu formalisées et considérées comme relevant de l’accompagnement dans toutes les institutions romandes. Pour y remédier, des institutions prennent l’initiative de former des membres du personnel ou élaborent un concept d’accompagnement palliatif. Cependant, lorsque l’accompagnement des personnes vieillissantes n’est pas ou plus possible, ces déménagements tardifs et parfois imposés vers l’hôpital ou l’EMS engendrent de multiples ruptures chez les résident·e·s qui quittent un lieu de vie où se concentre la majorité de leurs relations sociales et habitudes de vie.

On avait quelqu’un qui errait et qui criait. Ça impressionnait beaucoup les autres résidents. Le responsable se sentait démuni par rapport à ça, et puis je pense en voulant bien faire, il a fait en sorte que le résident parte en EMS. Il est parti vivre dans un endroit qu’il ne connaissait pas. Puis, il a été hospitalisé en psychiatrie et très peu de temps après il est décédé en psychiatrie. Je crois que cette expérience, c’est ce qui nous a fait dire que «on se calme», on est équipé pour accompagner jusqu’à la fin de vie des personnes qui ont une démence. On l’a fait plusieurs fois. Alors, c’est dur! Mais, on vit de belles choses aussi. (Responsable dans l’institution B., 2022)

Ces pratiques ne respectent pas le principe du libre choix du lieu de vie pour les personnes en situation de handicap comme prévu par la CDPH (art.19), ni par les lois cantonales sur l’inclusion des personnes en situation de handicap ou encore les positions défendues par les associations représentantes des milieux du handicap. Malheureusement, même s’il a été vérifié au cours des entretiens de cette recherche que l’adaptation des institutions est une question qui préoccupe les autorités, la temporalité politique de la mise à niveau de l’ensemble des

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dispositifs ne permet pas de trouver des solutions immédiates pour toutes les personnes ayant des besoins de soutien spécifiques.

Professionnalité à l’épreuve des besoins

Les transformations institutionnelles décrites ci-dessus engendrent également des tensions dans la définition des rôles et la délimitation des territoires des professionnel·le·s de l’accompagnement. Il ressort des entretiens menés dans les institutions socio-éducatives romandes que, pour certain·e·s professionnel·le·s, l’introduction du corps médical en institution sonne comme un retour en arrière dans les pratiques d’accompagnement. Cela se vérifie principalement dans les établissements qui ne possèdent historiquement pas de personnel soignant. Face à la complexification des situations, de nouvelles collaborations et de nouvelles tâches apparaissent pour les professionnel·le·s du domaine socio-éducatif. Ces professionnel·le·s sont confronté·e·s à des situations inédites qui les mettent au défi quotidiennement sans mode d’emploi et avec parfois peu de moyens (Chaize, 2015; Dalla Piazza, 2005; Delporte, 2015). Dépourvu·e·s de certaines compétences nécessaires à cet accompagnement à la croisée des mondes socio-éducatifs et de santé, les professionnel·le·s «bricolent» un accompagnement à la carte (Blanchard & Mortier, 2015; Gabbaï 2017). Au cours des entretiens réalisés, il ressort que cette transformation de l’accompagnement engendre parfois un questionnement du sens de l’activité pour les professionnel·le·s. Rythme plus lent, tâches de soin qui augmentent, activités plutôt intérieures qu’extérieures et de courte durée, certain·e·s professionnel·le·s ne se reconnaissent pas dans ces activités trop éloignées de leur idéal de l’accompagnement socio-éducatif. Pour d’autres, c’est l’occasion d’accompagner plus individuellement les résident·e·s en prenant le temps d’être avec eux et elles. Plusieurs professionnel·le·s décrivent cet accompagnement comme étant «plus fin».

[…] on nous dit «de toute façon vous ne faites pas d’éducatif». Oui parce que le travail d’éducateur c’est viser les compétences, l’apprentissage, les objectifs, mais il faut refondre aussi notre profession, notre vision, on fait de l’éducatif! Sauf qu’il faut le voir encore plus finement. Il faut être hyper expérimenté dans tous les domaines dans lesquels on travaille pour pouvoir le percevoir et le faire germer parce qu’il est d’autant plus fin et d’autant plus sensible à percevoir. (Responsable dans une institution C., 2022)

Une grande importance est accordée au profil des personnes engagées pour travailler avec les résident·e·s vieillissant·e·s. Les formations initiales tant des

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professionnel·le·s du social que de la santé ne permettent encore pas à l’heure actuelle de développer des compétences mixtes.

Ce n’est pas un modèle (l’accompagnement des personnes en situation de handicap vieillissantes) qui est sans difficulté, ça demande à nos équipes de beaucoup s’adapter. C’est vrai que le fait de travailler dans ces équipes maintenant, quand on postule, il faut qu’il y ait de l’intérêt pour cette période de la vie. Il faut que les personnes (éducateurs et éducatrices) soient aussi d’accord dans leur perfectionnement de s’outiller et un petit peu plus. (Responsable dans l’institution A., 2022)

Au cours des entretiens réalisés, des responsables d’institution nous ont confirmé ne pas pouvoir exiger le «double-profil» à l’engagement du personnel, mais avoir une attention particulière à la motivation des candidat·e·s à travailler avec ce public spécifique. Nombreux et nombreuses sont les responsables qui rapportent avoir assisté à la démission de certain·e·s membres de l’équipe ne rejoignant pas cette perspective d’accompagnement. Lors de création d’unités spécifiquement dédiées aux personnes avec un besoin de soutien plus important, certain·e·s cadres relèvent l’importance de laisser le choix au personnel déjà établi de rejoindre ou non le nouveau service; ne pouvant pas exiger de la part de tous et toutes de la motivation à l’égard de cet accompagnement. Ceci démontre clairement que l’activité de l’accompagnement continue de se transformer entrainant avec lui des changements de conception de professionnalité, de pratiques et d’organisation du travail.

Conclusion

Le retraçage historique de la façon dont le handicap a été considéré depuis le Moyen-Âge jusqu’à nos jours permet de comprendre comment se sont construites les différentes considérations autour de la notion de handicap, comment elles ont évolué et comment les dispositifs d’accompagnement se sont créés. Se détachant d’une approche médicale du handicap, l’approche sociale plus globale défendue par les associations, les organisations internationales et les milieux académiques (Callus & Camilleri-Zahra, 2017; Brown et al., 2017; Rochat, 2008) a permis de responsabiliser les autorités et l’ensemble de la société à une vision plus égalitaire et inclusive du handicap. Cependant, alors que les mouvements de défense des droits des personnes en situation de handicap ont favorisé d’importantes avancées dans la lutte contre les discriminations relatives au handicap, l’adaptation réelle des dispositifs de soutien n’a pas suivi le même rythme (Bigby, 2002; Hussain et al., 2019). Parallèlement à la volonté de développer une plus grande diversité d’offre de soutien pour les personnes en situation de handicap,

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des limites apparaissent aujourd’hui dans les institutions socio-éducatives au regard des modèles actuels d’inclusion. L’héritage des conceptions passées se dévoile dans de nombreux domaines de la vie qui restent encore et toujours inaccessibles pour les personnes en situation de handicap, principalement concernant le libre choix du lieu de vie. Face à des situations qui se complexifient, les institutions classiques se trouvent parfois démunies pour permettre aux résident·e·s de bénéficier du soutien adéquat nécessaire. L’enquête réalisée auprès d’institutions de Suisse romande démontre que cela se ressent particulièrement pour certains publics, comme les personnes vieillissantes.
Les personnes concernées, avec le soutien des milieux associatifs et des professionnel·le·s engagé·e·s dans ce combat, proposent des pistes innovantes d’accompagnement. Certaines structures s’adaptent aux besoins des personnes en situation de handicap et réinventent l’accompagnement social du handicap. Cependant, ces initiatives doivent encore être davantage soutenues par les décideurs et financeurs étatiques; l’objectif étant de diminuer le «bricolage» de réponses au cas par cas et fournir les moyens nécessaires aux personnes concernées d’exercer leur droit au libre choix.

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Notes biographiques

Melissa Ischer, doctorante, Université de Lille,
ULR 3589 – CeRIES – Centre de recherche « Individus Épreuves Sociétés » F-59000 Lille ; HETSL | HES-SO, melissa.ischer@hetsl.ch

Ophélie Guerdat, collaboratrice scientifique HES à la Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HETSL | HES-SO), ophelie.guerdat@hetsl.ch

Valérie Hugentobler, co-doyenne responsable du Laboratoire de recherche santé-social à la Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HETSL | HES-SO), valerie.hugentobler@hetsl.ch

Aline Veyre, professeure associée HES à la Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HETSL | HES-SO), aline.veyre@hetsl.ch

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